[inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

discussions sur l'histoire, l'économie, la sociologie des jeux de l'imaginaire, etc...
Maitresinh
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[inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Me concernant, vous pouvez déja trouver 2 interviews sur le site de 500NDG, celle de Paul Chion de Dragon Radieux et de Christian Lehmann. une longue ITW de Didier Guiserix est dispo (je crois meme qu'elle est sur le site d'arte...).
Si vous apparaissez dans ces ITW, ou voulez témoigner sur votre role au sein d'un magazine, édition, jeu, etc...n'hesitez pas !



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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

Bonjour
Je viens de lire ton interview de Christian Lehmann à propos de COM. Il se trouve que je fais partie de l'équipe de "baltringues complets" dont il parle (je site)... c'est à dire du petit groupe de courageux qui a repris COM après que son équipe se soit violemment disputé avec l'éditeur. Nous étions sans doute très différent de l'équipe originale, dont nous respections tous le travail. Plus ironiques, plus second degré (cf. le lapin) plus dans le narratif que l'équipe originale, mais nous avons continué à offrir aux joueurs de l'époque une alternative à Cassus, histoire de sortir des habitudes un peu "mainstream" du monde du jdr déjà très commercial. De ce point de vue, nous étions fidèles à l'esprit de COM, qui était de faire quelque chose de différent
Bien amicalement
Dernière modification par charles-albertlehalle le lun. mars 06, 2017 8:39 pm, modifié 1 fois.

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Salut Charles

Merci de ce témoignage. Je suis ouvert pour aller plus loin et faire une ITW complémentaire si tu veux (Maile moi). Personnellement, oui, moi le lapin évidemment que je trouvait ça second degres, ce n'était pas le probleme. En tant que simple lecteur, j'ai surtout vu le changement brusque et la revue maigrir (il me semble).

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

C'est vrai : la revue était différente. J'ai beaucoup entendu de critiques à l'époque. Notre pari, finalement raté puisque COM a fermé, était de continuer à offrir une alternative aux points de vue dominants sur les jdr de l'époque.
COM était bien dès sa création un magazine alternatif, mais qui offrait une alternative assez sombre qui avait trouvé un large publique d'habitués (dont j'étais d'ailleurs). Nous pensions qu'offrir une alternative plus légère, à la Animonde (vous vous rappelez d'Animonde: http://www.legrog.org/jeux/animonde/animonde-fr?), ou à la Sherlock Holmes Détective Conseil (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Sherloc ... ve_conseil) avait un sens. Nous avions sous estimé la capacité de lecteurs habitués à Trauma à accepter notre univers ; l'image de COM était peut être plus marquée "sombre" qu'alternatif au sens large. Nous n'avons pas convaincu les anciens ni trouvé un nouveau publique.
A postériori je me demande d'ailleurs s'il y avait un publique beaucoup plus grand que nous cinq pour une version futile et narative des jdr... je m'en était convaincu jusqu'à l'émergence récente de jeux très narratifs, ou en tout cas de jeux encourageant une collaboration entre joueurs et DM, plutôt que basés sur une opposition. Je me désespérais à jouer en petit comité à SOAP http://www.legrog.org/jeux/soap depuis des années quand j'ai vu arriver des jeux comme GSS http://starlinepublishing.com/wp-conten ... ishing.pdf avec plaisir : il y a en tout cas une place pour ce genre de thèmes aujourd'hui. Peut être étions-nous tout simplement un peu trop modernes ;{)}

[suite à un échange par mail avec Maitresinh, je poste ici le récit de mon experience de jdr "autour" de COM]

J'ai commencé les jdr avec D&D (la fameuse boîte rouge avec les dés en plastique bleu) lorsque j'avais 11 ans. C'était au début des années 80. Je suis passé à AD&D quelques années plus tard, ce qui m'a forcé à faire de gros efforts en anglais. Je passais souvent à Jeux Descartes, qui était à l'emplacement de l'actuel crocodisque et avait une petite mezzanine où étaient stockées les figurines en haut d'un escalier en fer tremblottant. C'est là que les fans se retrouvaient pour interpréter les règles finalement très vagues de Gygax. C'est sans doute là que j'ai commencé à réaliser que les règles n'étaient pas si importantes ; le consensus entre joueurs domine (j'inclue le DM dans les joueurs).
Assez rapidement j'ai fait ce que je pouvais pour participer à des parties un peu expérimentales. Je ne faisait pas le malin, mais j'étais là. Je suis aujourd'hui mathématicien, j'aimais les énigmes et les calculs de probabilité, ce qui fait que j'avais mon point de vue sur pas mal de systèmes de jeux. L'idée qu'un système de jeux pouvait influencer le comportement des joueurs me fascinait ; j'ai beaucoup joué : rolemaster, travelers, stormbringer, etc. En parallèle les systèmes sans tirage de dés m'intéressaient aussi, je faisais un peu de théâtre, et participais aux championnats de Diplomatie à un niveau convenable.
L'idée d'explorer des thèmes de jeux très différents me plaisait aussi beaucoup ; c'est par les tortues ninja (TMNT) que je me suis retrouvé représentant de Palladium games en Europe. Ce n'était pas grand chose : lorsque je voulais aller à une convention, je leur disais et il me payaient le billet et l'hôtel (souvent je ne faisais qu'un aller-et-retour dans la journée) ; ils m'envoyaient toutes leurs nouveautés. Les conventions m'ont beaucoup fait réfléchir au milieu des jdr ; les campagnes parisiennes un peu branchées n'avaient rien à voir avec des parties à la campagne, avec des ados ou de jeunes adultes, très renfermés sur leur groupe. C'était le début des saillies médiatiques contre les jdr, cela me préoccupait. J'ai beaucoup pratiqué de narratif à cette époque, un peu pour leur montrer qu'ils n'avaient pas besoin de se flétrir autour d'une pile de bouquins de règles, mais qu'ils pouvaient ensemble créer, et que tout cela devait rester futile. Cela n'a pas toujours été bien reçu...
J'étais surtout DM, je faisais des campagnes thématiques ; souvent autour des films ou de livres que mon groupe avait aimé. Mais ils n'incarnaient jamais les héros, ils sentaient les choses se produire, de loin, sans y participer, ils étaient dans l'anecdote, à coté de la grande histoire. J'écrivais mes campagnes, je dessinais un peu, et je me baladais partout avec un sac en plastique plein de scénars. Comme tout DM besogneux j'avais créé mon système de règles, très simple, au cas où.
Bien entendu j'ai été frappé de plein fouet par les jeux à la française : animonde, rêve de dragon, in nomine satanis, etc. Mais aussi par la débauche de jeux qui débarquaient des US : cars, battletech, robotech, etc. J'adorais essayer de nouveaux jeux pour comprendre comment règles et ambiance communiquaient.
Je n'était pas très visible, mais toujours en arrière plan ; un peu comme ces acteurs de seconde zone qui se retrouvent tout de même dans beaucoup de films.
A l'époque j'étais dans une grande école et je participais à pas mal d'événements. C'est à ce moment là que j'ai été contacté par deux joueurs du CLD. le Club Loisir Dauphine ; c'est là qu'il faillait avoir ses entrées pour jouer aux jeux de figurines, ils en avaient des tonnes et les prêtaient pour une soirée. J'adorais la guerre du Péloponnèse, j'y passais souvent. Bruno Giraudon m'a dit qu'ils avaient repris Chroniques d'Outre Monde ; le numéro du lapin était déjà sorti, et il se trouve que j'avais bien aimé. Ce qu'il m'a dit correspondait à ce que j'avais en tête ; ils voulaient conserver un esprit alternatif, mais plus narratif et plus léger. J'étais convaincu qu'il y avait une place pour une version différentes des jdr, et je croyais que les lecteurs de l'ancien COM pourraient nous suivre sur ce terrain là. Des thèmes plus connectés au monde qui nous entoure, ou au contraire des trucs délirants, un peu décousus selon les critères habituels (vous vous rappelez : porte, monstre, trésor). J'avais une rubrique dans laquelle je faisais la promo d'un système de jeux que j'avais trouvé dans les cartons bradés à 10 francs des boutiques de l'époque : Game in Blue et L'oeuf Cube surtout. Pour moi tous les systèmes de jeux se valaient.
En terme de scénario j'étais plutôt dans la déconstruction : je jetais des bribes très construites de fragments de scénario sur papier. Je détestais l'idée que tous les lecteurs risquaient faire la même partie sur un de mes scénars. Ou que ceux qui lisaient un numéro ne pourraient plus jouer mon idée. Alors je laissais de l'espace pour que le DM s'implique. Je sais que ce n'était pas apprécié par tous les lecteurs.
J'ai lu l'interview de Christian Lehmann, il semble nous reprocher de ne pas avoir tenté de contacter l'ancienne équipe. Ce que je savais à l'époque, c'est ce qu'il a relaté : ça c'était mal passé pour eux avec l'éditeur, et le repreneur voulait surtout avoir un numéro de commission paritaire. Si on ne perdait pas d'argent, ça lui suffisait. Je me doutais que nos prédécesseurs n'étaient pas contents, nous n'avions pas le même style. J'aimais beaucoup COM première version, pour son coté alternatif, mais je le trouvais trop édité, trop construit. Je n'allais pas les rencontrer pour qu'ils me disent que l'idée du lapin était nulle, et que nous prenions tout cela trop à la légère. Pour moi c'était léger, et j'étais content de tenter de passer cette légèreté aux lecteurs.
Nous avions notre rythme, des comités de rédaction au Mondrian, Bd Saint Germain, les discussions avec les illustrateurs, ou entre nous pour choisir des thèmes, discuter des scénars ou faire des rubriques thématiques. Nous avions pensé à publier des romans en épisodes mais ce n'était pas du gout de tout le monde, personnellement j'y étais favorable. Du coté de l'éditeur ce n'était pas toujours top : parfois les dessins de fond avaient un tellement mauvais contraste qu'on avait du mal à lire nos textes... Nous faisions de notre mieux pour qu'il consacre de l'énergie à COM mais ce n'était pas sa top priorité. Coups de fils et parfois coups de gueule, il y avait des hauts et des bas.
Puis les numéros se sont espacés et j'étais happé par mes études. Les modèles mathématiques remplaçaient les systèmes de jeux dans mes réflexions, je me spécialisais en théorie des probabilités et en systèmes d'apprentissage.
Bref c'était la fin de mon aventure à Chroniques. Je continuais à jouer avec de très bons amis, mais j'ai arrêté les conventions, sauf occasions spéciales. J'ai peu à peu fait de moins en moins de jdr. De temps en temps j'écris sans la signer une extension d'une douzaine de pages pour un jeu existant et je la dépose discrètement en téléchargement libre sur un site quelconque. Avec internet et les logiciels de mise en page c'est assez facile. A mon avis ça touche au plus une douzaine de personnes à chaque fois. Jamais les mêmes j'espère. Je fais des exercices assez marrants, du genre utiliser une même trame scénaristique pour écrire trois aventures différentes, pour trois époques ou ambiances différentes. Mais je ne joue presque plus. Mes enfants sont grands, ça m'a fait très plaisir de les emmener à Descartes et à L'oeuf Cube lorsqu'ils étaient plus jeunes, nous avons joué une fois au deux à Dungeon World, mais ils n'ont pas accroché. En revanche les jeux narratifs, comme "Il était une fois" ou les Storycubes fonctionnent bien avec eux. Je trouve que les Storycubes sont une très bonne idée ; j'ai acheté 24 dés vierges pour 4 euros sur amazon il y a quelques mois, et je les ai offerts avec des marqueurs à mes enfants. Si vous préférez, vous pouvez aussi acheter 9 cubes déjà dessinés par un designer pour une quinzaine d'euros...
Je suis surpris de voir mon fils jouer en ligne à des jeux comme Garry's Mod, où le roleplay est très présent. Comme quoi le roleplay a survécu aux livres dont vous êtes le héros, à Magic et à Lord of Warcraft.
Les imprimantes 3D sont un super outil pour les rôlistes ; je continue à espérer que bientôt tout groupe pourra se retrouver et commencer par créer le jeu auquel ils joueront la semaine suivante. Les créateurs d'Apocalypse World et de Dungeon World on compris quelque chose sur les mécanismes d'une partie. Il doit y avoir un fil narratif non linéaire, avec lequel les joueurs peuvent interagir, parfois facilement, parfois en abandonnant quelque chose de précieux, et d'autres fois en la détruisant partiellement. C'est peut être le seul secret des jdr, et maintenant il est dans le domaine publique.
Dernière modification par charles-albertlehalle le mer. mars 08, 2017 9:04 pm, modifié 1 fois.

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

je crois que je vois ce que tu veux dire. Je vais essayer d'interpréter en ayant un point de vue plus historique sur la question.

Mon point de vue: a la fin des années 80/début 90, le JDR prend un autre tournant. Les années de "boom" sont terminées et la pratique se cristallise avec, au dela des thématiques , une dominante "conspirationniste/dark" que Laurent Tremel dans ses travaux de sociologie en mis en lumiere.

En clair, au milieu des années 90, le phénomène, c'est la mascarade/vampire. Pas loin derriere adc. Et pour le reste, Néphilim. etc.. A part ADD, c'est assez frappant. Soit dit au passage, il y a probablement une relation entre la panique morale de cette époque et la "darkisation" du JDR, que les rolistes continuent de sous-estimer, a mon avis. Le JDR devient un truc "sulfureux" qui attire un autre public. En meme temps, les rolistes, du fait de l'age majoritaire a l'époque se complaisaient dans la création d'un univers propre, codé, d'un univers particulier et dont la condition d'existence est d'etre obscur. Ils/on étaient eux meme/nous meme des conspirationnistes pour de rire.

Bref, COM n'était pas intentionnellement dans cette ligne, dans les 80s. Il était encore ancré, avec des jeux comme Trauma ou des articles historiques, dans la "réalité", attachement aussi propre aux wargames et aux jeux de simulation des 70s-80s. Mais quelque part, au moment ou vous repennez le mag, les choses basculent.

Personnellement, je n'ai pas adhéré à cette évolution du JDR. Le probleme n'était pas seulement la "concurrence" des jeux de cartes dans le genre de Magic. J'avoue que je me sentais un peu mal à l'aise en voyant l'ambiance/sérieux des parties de Vampire, et peut etre plus encore la maniere donc les campagnes faisaient que les tables se refermaient sur elles-memes, sur des petits univers clos.

Au final, je pense que le "début de la fin" venait au moins autant de cette dynamique interieure que de Mireille Dumas.

Pour en revenir à COM deuxieme formule, j'étais à ce moment la dans le meme optique que toi, et il me semble maintenant que c'était aussi une réaction à cette évolution. J'ai écrit par exemple ceci :

https://starwarsjeuderole.files.wordpre ... ceball.pdf

Dans le meme ordre d'idée on préparait une convention structurée autour de "La Croisière s'amuse RPG", qui n'a jamais vu le jour (mais dont Soap constitue une réminiscence). C'est dire.

Ceci dit, en "en avance", je ne pense pas. En décalage/réaction a l'époque et minoritaire. Aujourd'hui, l'age des joueurs a beaucoup augmenté, et je ne pense pas que le probleme se pose de la meme façon....meme si le hobby actuelle est directement conditionné par cette époque.

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

Oui: sur l'aspect "en avance" j'étais plutôt ironique.
En fait j'étais plutôt à coté de la plaque, et depuis quelques années je ne suis plus le seul, c'est tout. A la prochaine évolution (et je ne la suivrai pas), je me retrouverai un peu seul de nouveau ;{)}

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Merci Charles. Quelques questions de fond;

- Concretement cette boite, comment vous être rentrés en contact ?
- Comment vous avez constitué l'équipe éditoriale ? Tu y tenais quelle place ?
- Combien de numero vous avez fait ? Tu te rappelles des tirages ? Qu'en est il des ventes ?

Sinon, pour ce qui est des jeux narratifs, quelques précisions

- Ca reste une niche dans la niche du JDR, surtout pour les jeux qui s'éloignent de la "forme" roliste (jeux sans MJ, compétitifs....)
- Le terme "jeu narratif" est malmené dans tous les sens. Pour faire simple, ca se refere à une vague de "storygames", des jeux qui ont le meme but que les JDR mais des conceptions tres différentes (ou des conceptions tout court, en fait), issues a l'origine du forum the forge vers 2004-2006.
Ce qui fait leur plus petit dénominateur commun, au dela de leur diversité (et leur différence avec le JDR "classique" tout autant qu'avec la plupart des jeux d'expression antérieur, type il était une fois par exemple), c'est la place alloué au système qui marque une rupture paradigmatique. Ce narratif la n'a donc rien à voir avec le "storytelling" des 90s ou le débat regles / sans regles-impro.

Pour imaginer tout cela, dans les 80s, le JDR sort a peine du Wargame. Massivement, les joueurs qui privilégient l'histoire sur l'exploration tactique des couloirs (donc le JDR au sens fort) se retrouvent confrontés à une contradiction : les regles simulent une réalité physique, probabilisée, virtuelle, mais ne soutiennent pas la création d'une fiction. Exemple : mes joueurs ont fait de mauvais choix, ils sont tous morts trop rapidement. Solution: "arranger les résultats".

Le JDR est alors le seul jeu ou "ne pas respecter les regles" est au coeur des regles....ou si tu prefere, le jeu dans lequel les regles ne permettent pas de réaliser l'objectif recherché. Tout se passe comme si le JDR descendant du wargame reproduisait des "mondes virtuels" au sens moderne du terme (on les appelait d'ailleurs a l'époque jeux de simulation).

Bref, la rupture de The forge réside dans le dépassement du débat pro et anti regles, en le déplaçant. Il ne s'agit plus de critiquer l'usage du systeme, mais de changer son objet. Désormais, les systemes seront orientés à la création de la fiction, et non à la simulation d'un monde physique. Un peu comme dans les jeux de plateau, ils forment de véritables "systemes" ou des "économies comportementales" et non plus des regles (réalité probabilisée).

Par exemple Dungeon World est consorts, apparement tres proches des JDR, sont tres différents. On ne s'interesse plus au fait de savoir "si le voleur réussi a couper une bourse". Des que le voleur coupe une bourse, l'action se déclenche. Les des sont jetés par le joueur. Le resultat dépend d'une table qu'il connait. Ce qui peut découler du jet de dés, c'est "qu'est ce qui se passe d'interessant suite à sa décision de couper une bourse". Comment ca va relancer la fiction. il n'y aura jamais de "manqué, c'est tout". Les joueurs et le MJ disposent d'un cadre (qui est tout le systeme de jeu) qui a décortiqué toutes les conséquences possibles, et permettent au MJ de rebondir rapidement avec quelque chose d'interessant.

Dans un autre genre (sans MJ, compétitif), je te conseille aussi la lecture de Capes (en téléchargement gratuit), conçu par un mathématicien....

http://www.500nuancesdegeek.fr/capes/

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

pour répondre tout d'abord à tes questions directes (ça va être rapide).
- c'est IPC Communication qui a repris la publication, je ne suis arrivé qu'après un ou deux nouveaux numéros, donc je n'ai pas participé à la constitution de l'équipe. J'ai seulement été contacté par Bruno (comme je le raconte dans ma longue contribution précédente), pour rejoindre le comité de rédaction.
- je ne sais pas exactement quels étaient les critères, de ce dont je me rappelle, c'est qu'il y avait au moins un journaliste et un rôliste au départ. Ils ont chacun appelé diverses personnes. Nous étions 4 ou 5, et nous nous réunissions une fois tous les mois et demi ou deux mois. Je faisais partie de ce "comité de rédaction". Nous recevions des scénars que nous sélectionnions, faisions des tests de jeux, et nous occupions des rubriques ; le plus souvent nous écrivions nous aussi des scénarii.
- je ne sais pas quel a été officiellement le premier numéro de la nouvelle équipe, mais je pense que c'était le 16 (le lapin), et j'ai gardé deux numéros (les autres se sont égarés au fil de mes déménagements), dont le numéro 27 ; je pense que nous étions allés jusqu'à 30. Je ne me rappelle plus du tirage, mais dans mes souvenirs il y avait beaucoup plus de tirage que de ventes...

Merci pour ta description de la montée en puissance des jeux narratifs. Ce qui est amusant, c'est que je n'ai quant a moi jamais pensé que le système de règles pouvaient être autre chose qu'une mise en place d'ambiance au service de la construction de l'aventure.
Mon exemple habituel de l'époque est le suivant : dans les systèmes de jeux, avoir des dégâts par un système de points de vie, ou par "zone" (le bras, la jambe, etc. avec des états : blessé / incapacité / mortel) change totalement le comportement des joueurs, et donc la façon dont l'aventure peut se construire.
- Si tu as un système par points, tu peux te sentir en sécurité tant que tu en as convenablement, et tu commences à changer drastiquement de comportement lorsque tu arrive dans une zone ou les "dégâts moyen" d'une arme peuvent te faire passer de vie à trépas.
- Si tu as un système par zone, tu risque l'incapacité d'une jambe ou d'un bras dès que tu combats, voir un mauvais coup à la tête. Ca va changer ta façon d'aborder les escarmouches: tu n'y vas que si c'est vraiment nécessaire, et lorsque tu y vas, tu t'exposes à fond.
En tant que DM, il faut faire le bon choix ; celui qui va servir la dynamique de ton aventure. Et tu dois le faire en accord avec les attentes de tes joueurs. Je n'ai donc jamais pensé qu'il pouvait y avoir un méga système de simulation (qui devrait par définition fonctionner pour tout), mais des structures permettant d'établir un dialogue entre les joueurs et le DM pour construire une aventure. C'est-à-dire une trajectoire dans une ambiance. Je crois donc que, sans être exactement sur ta ligne, je n'en suis pas si loin.

D'ailleurs, il me semble que les joueurs qui étaient passionnés par la résolution technique des actions sans trop de roleplay, par des "simulateurs", se sont tournés vers l'informatique, qui offre des jeux parfait pour cela.
L'avenir des jdr passe donc essentiellement par le narratif, mais je pense que cela est très naturel. Ma lecture de l'histoire des jdr repose plutôt vers une diminution de l'échelle de la simulation : on est passé du wargame, au jeu de figurine, puis au jeu de rôles. Tous ont leur place ; d'ailleurs les wargames existent encore (j'espère que les imprimantes 3D vont les booster, ils le méritent), les jeux de figurines ont leur renouveau (cf. https://en.wikipedia.org/wiki/HeroClix). Le jeu de rôle est à l'échelle la plus fine, donc celle de la psychologie des personnages. Si tu veux une simulation détaillée, tu peux jouer à Battletech, pas besoin de roleplay, tu te limite aux combats. Il y a des jeux qui ont tenté le grand écart, comme Cars, mais c'est très compliqué. Et si les jdr sont sensé simulés la psychologie, je pense que l'on va nécessairement vers le narratif.

C'est une discussion intéressante en tout cas, merci pour tes questions.

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

d'ailleurs, j'ai créé une page web pour COM il y a pas mal de temps sur facebook https://www.facebook.com/chroniques.d.outre.monde/
elle n'est pas très active, j'invite les internautes rôliste d'y poster des liens, de commenter et proposer des idées de scénar

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

charles-albertlehalle a écrit :pour répondre tout d'abord à tes questions directes (ça va être rapide).

- je ne sais pas quel a été officiellement le premier numéro de la nouvelle équipe, mais je pense que c'était le 16 (le lapin), et j'ai gardé deux numéros (les autres se sont égarés au fil de mes déménagements), dont le numéro 27 ; je pense que nous étions allés jusqu'à 30. Je ne me rappelle plus du tirage, mais dans mes souvenirs il y avait beaucoup plus de tirage que de ventes...
Ca parait cohérent avec le fait qu'ils étaient surtout intéressés par leur numéro de commission paritaire. C'était l'époque et finalement il est probable que COM n'ait existé qu'à cause de ça. J'ai fait le tour des autres revues, et a part casus, elles ont tjrs peiné a atteindre l'équilibre, donc il semble que le marché n'ai jamais été bien grand. Ca serait interessant de retrouver les chiffres de vente, car l'enjeu derriere est d'évaluer le nombre de joueurs à l'époque, et son évolution.

.Elle faisait quoi cette société ? Du minitel rose ?


- Si tu as un système par points, tu peux te sentir en sécurité tant que tu en as convenablement, et tu commences à changer drastiquement de comportement lorsque tu arrive dans une zone ou les "dégâts moyen" d'une arme peuvent te faire passer de vie à trépas.
- Si tu as un système par zone, tu risque l'incapacité d'une jambe ou d'un bras dès que tu combats, voir un mauvais coup à la tête. Ca va changer ta façon d'aborder les escarmouches: tu n'y vas que si c'est vraiment nécessaire, et lorsque tu y vas, tu t'exposes à fond.
En tant que DM, il faut faire le bon choix ; celui qui va servir la dynamique de ton aventure. Et tu dois le faire en accord avec les attentes de tes joueurs. Je n'ai donc jamais pensé qu'il pouvait y avoir un méga système de simulation (qui devrait par définition fonctionner pour tout), mais des structures permettant d'établir un dialogue entre les joueurs et le DM pour construire une aventure. C'est-à-dire une trajectoire dans une ambiance. Je crois donc que, sans être exactement sur ta ligne, je n'en suis pas si loin.
Dans les deux cas, le système est utilisé pour déterminer une "réalité" statistique. En fait, le deuxieme est meme plus proche de la "realité" qu'un système de PV. La ou il y a rupture aujourd'hui c'est que les systemes ne s'interessent pas à la réalité mais à la fiction. Ca n'a l'air de rien, mais ça change tout.

Ceci dit, quand tu parle de systeme comme structure permettant le dialogue entre joueurs, c'est exactement une des définitions actuelles (meme si a mon avis, elle est trop large pour rendre compte des ruptures)

D'ailleurs, dans la plupart des JN (jeux narratifs, au sens donc moderne), ils font réellement système au sens ou rien n'échappe aux regles, puisqu'elles couvrent toute la fiction qu'on émule (et non pas la réalité). C'est le cas de Capes comme tu le verras, mais de tous ces jeux.

D'ailleurs, il me semble que les joueurs qui étaient passionnés par la résolution technique des actions sans trop de roleplay, par des "simulateurs", se sont tournés vers l'informatique, qui offre des jeux parfait pour cela.
L'avenir des jdr passe donc essentiellement par le narratif, mais je pense que cela est très naturel. Ma lecture de l'histoire des jdr repose plutôt vers une diminution de l'échelle de la simulation : on est passé du wargame, au jeu de figurine, puis au jeu de rôles. Tous ont leur place ; d'ailleurs les wargames existent encore (j'espère que les imprimantes 3D vont les booster, ils le méritent), les jeux de figurines ont leur renouveau (cf. https://en.wikipedia.org/wiki/HeroClix). Le jeu de rôle est à l'échelle la plus fine, donc celle de la psychologie des personnages. Si tu veux une simulation détaillée, tu peux jouer à Battletech, pas besoin de roleplay, tu te limite aux combats. Il y a des jeux qui ont tenté le grand écart, comme Cars, mais c'est très compliqué. Et si les jdr sont sensé simulés la psychologie, je pense que l'on va nécessairement vers le narratif.
Je pense que l'évolution que tu décris est celle qui s'est produite au moment du boom, dans les 80s. A ce moment la, le JDR etait encore tres lié au wargames et l'évolution etait en cours. Ceux qui étaient vilipendés comme "gros bills" avaient tout simplement une vision plus wargamesque de la pratique. il existent toujours: dans les MMORPG, qui transposent aussi - tu as raison - les même systèmes de l'époque en version informatique (les termes de "PV" et de "XP" est devenue presque plus courant dans les jeux videos que les JDR modernes).

Ceci dit a l'époque, les partisans du JDR "psychologique" ont jeté le bébé (les regles) avec l'eau du bain. Ca a donné le débat pro/contre les regles. Cette idée que "finalement, les regles ne sont pas importantes". C'est la qu'est la rupture fondamentale des JN, parceque justement les regles sont au centre de leur conception. Mais pour faire autre chose.
C'est une discussion intéressante en tout cas, merci pour tes questions.
N’hésites pas à télécharger les jeux cités, surtout Capes, je suis sur que ca t'éclairera mieux et j'aimerais avoir ton point de vue de matheux à l'occasion.

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