Pourquoi il faut arrêter « d’initier » au jeu de rôle

 

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C’est dans la deuxième moitié des années 80 que le terme, rôliste, attribué à Pierre Rosenthal, pilier de Casus Belli, est apparu. Mais il ne s’est généralisé que vers le milieu des années 90, au moment où (paradoxalement ?) les « affaires » de Carpentras battaient leur plein et où le public des joueurs se réduisit en quelques années comme peau de chagrin.

Une chose est sure, le succès de ce terme traduit le fait que le jeu de rôle est aussi, sinon surtout, une « culture identitaire ».

Voici donc une typologie simple mais ayant une portée « heuristique » pour comprendre quel est le problème avec « l’initiation » au jeu de rôle. il s’agit de distinguer, au lieu du simple terme de rôliste, entre pratique et non pratique du jeu, et le fait de partager la « culture roliste » (d’y être acculturé) ou non. Cela nous donne ceci :

 

 

Acculturé Non Acculturé
Actif Rôliste Joueur de jeu de rôle (occasionnel ou non)
Inactif Rôliste Zombie Non joueur ou ancien joueur occasionnel

 

  • Actif et Acculturé: celui qui joue effectivement et est acquis aux valeurs et langage d’une communauté. Quand nous parlons des « rôlistes », nous pensons à eux. Toutefois, ils ne représentent pas toute la population de ceux qui « jouent » au JDR, ni même de tous les rôlistes…

 

  • Actif mais Non Acculturé : …en effet, le fait de jouer et de s’intégrer dans une « culture » sont deux choses différentes, qui n’ont pas nécessairement à se recouper. C’est le joueur de jeu de plateau qui joue occasionnellement. Le pote qui ne rechigne pas à rentrer dans une partie, qui trouve que c’est « sympa » mais qui ne fréquente pas les sites d’information spécialisés, ne cultive pas sa « rolistitude » et ne se revendique pas particulièrement « rôliste ». En bref, le terme « rôliste » exclu de facto tous ces joueurs, qu’il s’agit  de re-intégrer dans la population, sur le plan statistique et dans les consciences.

 

  • Inactif mais Acculturé : à l’inverse, il est intéressant de noter que pour être rôliste, point n’est nécessaire de jouer. C’est d’abord un acte d’affiliation identitaire avant d’être une pratique effective. En clair : on peut être rôliste sans maintenir une pratique.  Non seulement cela n’a rien de marginal (songez au nombre de souscripteurs de l’appel de Cthulhu V7 qui vous disent qu’ils ne vont que le lire et n’ont plus joué depuis dix ans ou plus…) mais cela représente aussi probablement une très grande partie de la population des joueurs, en raison de l’aspect générationnel du hobby (le boom des années 1985-1995, suivi du peu de renouvellement). C’est aussi une des caractéristiques qui font de la population des joueurs de jeu de role, par rapport aux autres jeux, une population particulière (les « gamers » zombies n’existent pas, ou pas encore dans le monde du jeu vidéo)

 

Conclusions :

Si c’est la pratique du jeu et sa diffusion qui nous importe vraiment, il faudrait arrêter d »initier » au jeu de rôle, sous entendu, les faire entrer dans une culture. Tous les joueurs n’ont pas vocation à devenir « rôliste ». Pour autant, ils peuvent trouver du plaisir à jouer, et nous à partager avec eux.

N’envisager (implicitement) de partager notre pratique que sur le mode de l’acculturation, c’est aussi se condamner à limiter sa diffusion et qui nuit à la santé du hobby.

Pensez à la copine qui était curieuse mais rebutée par le catalogue de tous les grand anciens, avec ou sans tentacule. Ou encore à Polo qui ne comprenait rien quand tout le monde pouffait en scandant « fumble ! fumble ! ».

C’est en grande partie ce qui a du se produire depuis le début de l’hémorragie. Et c’est ce qui ne fait que s’accentuer au fur et à mesure que la production s’adresse à des « rolistes zombies », plus sensibles aux references culturelles qu’à une pratique qu’ils ont abandonné faute de disponibilité.

Il nous faudrait donc moins de « rolisme » et plus de simples joueurs. Et donc, aussi plus de jeux adaptés à des investissements plus limités. Aux systèmes plus orientés vers la gestion de l’histoire que de la résolution, réduisant la part « d’impro ».  A des jeux plus courts, à des univers moins hermétiques.

Le monde du jeu de plateau, plus diversifié, et ou le concept « d’initiation » n’a pas cours, montre ce que nous aurions à gagner en différenciant bien culture et jeu.

N’initiez pas votre entourage. Faites les simplement jouer à un jeu.

 

Crédit photo: extrait de « la télé des inconnus

 

Prochain article « Geeks and Dragons« :

Pour en finir avec Gary Gygax.

A suivre

 

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  16 comments for “Pourquoi il faut arrêter « d’initier » au jeu de rôle

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